Le soldat N°3 1967

Cette affiche saisissante de 1967, signée Viktor Koretsky, l'un des affichistes soviétiques les plus influents, revisite un moment d'une intense symbolique historique : la victoire soviétique sur l'Allemagne nazie en 1945 et la prise de Berlin. Par son imagerie percutante, ses contrastes saisissants et l'utilisation puissante du rouge, cette œuvre illustre la maîtrise de Koretsky en matière de propagande visuelle, empreinte de réalisme émotionnel et de ferveur idéologique.

Au centre se dresse un soldat soviétique monumental – héroïque, impassible et autoritaire – brandissant une mitraillette et drapé dans une longue cape militaire. Derrière lui, la façade délabrée de la Chancellerie du Reich se profile, criblée de balles et couverte de graffitis, son inscription partielle (« REICH KANZ… ») résonnant comme un écho obsédant d’un régime vaincu. Koretsky rompt la composition par des bandes verticales en niveaux de gris qui tranchent la dominante rouge, symbolisant peut-être à la fois la mémoire et la révélation – la manière dont l’histoire est préservée, mise au jour et disséquée.

Koretsky (1909-1998) était réputé pour sa fusion des techniques réalistes du photomontage avec un surréalisme presque cinématographique. Ses affiches n'étaient pas de simples appels à l'action, mais de véritables sermons visuels, visant à façonner la mémoire collective et la fierté nationale. Ici, le soldat devient plus qu'un homme : il est un symbole de la puissance soviétique, de la rectitude morale et du sacrifice. La palette rouge – à la fois couleur du communisme et du sang – intensifie la charge émotionnelle de l'image.

Produite par Izogiz, la maison d'édition officielle soviétique spécialisée dans les affiches de propagande, cette œuvre s'inscrivait dans un effort plus vaste, à la fin des années 1960, visant à renforcer le souvenir patriotique de la Grande Guerre patriotique. À une époque où les générations d'après-guerre atteignaient l'âge adulte et où la Guerre froide restait tendue, une telle imagerie servait à rappeler l'héroïsme et la légitimité soviétiques.

Aujourd’hui, « Berlin 1945 » se dresse comme un puissant témoignage de la politique visuelle, à la croisée de l’art, de l’histoire et de l’idéologie. Elle incarne le pouvoir du graphisme comme mémoire politique, où le passé n’est pas seulement commémoré, mais aussi rituellement réinterprété par l’image.

URSS - Propagande - Russie

Très bon état